Archipel du Roi Gla XVI

https://www.youtube.com/watch?v=zNzR8GAKQZ8

Si vous ne étiez en recherche de ce qu’on pourrait appelé un lieu “figé dans le temps”, l’Archipel Gla XVI en serait le parfait exemple. Notamment en son île principal, entièrement recouverte d’un palais immense, si immense que cela en devenait vertigineux, et qui plus est entièrement composé d’une glace solide et brillante, comme si un blizzard s’était abattu sur les lieux et avait stoppé le court du temps au sein de ce royaume. Mais cela ne se transmettait pas seulement par l’architecture -déjà établi- des lieux. Cela se ressentait aussi à travers son peuple. Tout était silencieux, calme, sans activité quelconque. Le palais était devenu un lieu d’habitat dans lequel les habitants ayant perdu leur foyer s’étaient réfugiés, et chacun d’eux vivait, ou plutôt, survivait en ce lieu frigide. Chacun, bien qu’il arrivait à s’en tirer, était désabusé, attristé, blasé par la vie, et n’avait plus vraiment d’espoir. Plus rien ne les faisait sourire, ni souffrir. Plus rien ne les faisait s’enjouer, ni pleurer. Plus rien ne leur apportait du bonheur, ni leur faisait peur. Ils n’avaient plus envie de ressentir quoique ce soit, se contentant de repousser tout ce qui venait à eux et de maugréer dans leurs malheurs. Dans le hall principal, qui s’apparentait plus en taille à un une grande place couverte, des dizaines de gijinkas se croisaient sans se regarder, se contentant de se concentrer sur leur vie personnel sans la moindre trace d’empathie, allant jusqu’à ignorer cette anomalie. Oui, cette anomalie qui était en plein centre du hall, et se distinguait par ses couleurs chatoyantes. Cette “anomalie”, pour être plus précis, était une scène semblable à celle d’un théâtre, sculptée entièrement dans la glace et qui était éclairé par des spots qui, au lieu d’être accrochés au plafond, lévitaient dans les airs et tournaient autour de la scène pour créer des jeux de lumières changeant et colorés. Au milieu de la scène se trouvait un homme, silencieux et immobile, qui semblait se concentrer, bien que personne ne pouvait lire ses émotions à cause du masque de carnaval qui cachait son visage. Cet homme, c’était Kyurem, le Dragon Frontière et ceux qui jetaient de rapides regards vers lui pouvaient voir qu’il sortait du lot, déjà avec son masque mais aussi avec sa longue cape grise et ses épaulettes qui lui donnaient un air excentrique. Au bout d’un moment, il ouvrit grand les bras et déclara de toutes ses forces, sa voix grave et suave résonnant dans l’ensemble du palais :

-Citoyens de Gla XVI, moi, le grand Kyurem, je suis venu parmi vous pour… Vous conter une histoire !

https://www.youtube.com/watch?v=AxYYIV6i1Lk

Au moment où il termina sa phrase, des enceintes de glace surgirent de la scène et se mirent à diffuser une musique forte et entraînante, tandis que des automates fait de glace et représentant divers Gijinka de ce type surgissaient de la scène et se mettaient à errer lentement et sans but sur celle-ci, tandis que la voix de Kyurem, encore plus forte qu’avant, couvrait la musique pour commencer son histoire :

-Il était une fois un archipel froid et glacial où la population errait sans but distinct, chacun se déplaçant tel un automate, leurs coeurs et leurs esprits comme endormis par le froid…

Tous les automates se figèrent tout à coup, alors que Kyurem prenait une pose tragique et attristée que chacun aurait pu trouver grossière tant elle était exagérée, alors qu’il s’exclamait :

-Ils n’avaient plus aucun idéal pour avancer ni aucune réalité à laquelle s’accrocher tant chacun vivait pour soi ! Ô quelle tristesse que ceux qui ne savent vivre dans l’harmonie de l’idée et de la réalité, quelle tristesse que de voir ces êtres misérables, pathétiques, pas très malins et honnêtement un peu laids !

Alors qu’il disait cela, les automates se brisèrent soudainement et éclatèrent en des milliers de petits éclats de glace, renforçant le côté tragique de la scène, du moins du point de vue du Déchu. Tout à coup, l’homme masqué se releva tout en faisant de grands gestes amples et exagérés avant de s’exclamer :

-Mais tout va bien maintenant, ô sombre populace désabusée, car un nouveau jour se lève pour vous ! Car je suis tel le Soleil qui vient vous sortir de la nuit longue et glacée qu’était votre vie avant de me rencontrer !

Les lumières étaient de plus en plus fortes, comme pour appuyer son propos, alors que des automates apparaissaient à nouveau pour danser autour de lui avant de s’arrêter et de se prosterner en cercle autour du Déchu.

-Mais qui suis-je ? Vous ne le savez donc pas ? Hahaha, alors laissez moi vous dire quelques faits sur moi qui vous prouverons que je suis le grand homme qu’il vous faut. J’ai été élu six fois de suite “homme le plus beau du monde” par Kyurem Magazine ! J’ai cinquante-sept Kyurem Awards ! J’ai été auto-proclamé “l’homme qui tient le monde dans sa paume et pourrait la briser s’il n’était pas aussi magnanime” ! J’ai été élu Déchu le plus bavard par un jury composé de Reshiram, Zekrom et moi-même ! Alors, impressionnant, n’est-ce pas ? Et ce n’est pas tout ! Ce n’est même pas le huitième du quart de la moitié de mes titres et de mes récompenses ! Savoir qu’un homme aussi prestigieux que moi est parmi vous doit vous bouleverser, ce qui est tout à fait compréhensible, inutile de la cacher parce que vous êtes gênés, vraiment, j’insiste !

Pendant l’ensemble de son discours, des créations du Déchu venaient agrémenter ses propos, des tas de statuettes à son effigie apparaissant dans les airs avant de se changer en une réplique du Déchu à taille réelle, avec un petit archipel dans sa main, pour qu’ensuite ce soit des dizaines de “Kyurem” de glace qui prenaient la pose comme une star sur une couverture de magazine. Le Dragon masqué releva la tête en ouvrant grand les bras, s’attendant à être applaudi, pour voir quelques personnes ça et là qui le regardaient avec un air extrêmement blasé. Au lieu d’avoir l’air décontenancé, le Déchu se contenta pourtant d’éclater de rire de manière égocentrique avant d’hocher vigoureusement la tête.

-Je vois, je vois, il y a tellement d’émotions qui se bousculent en vous qu’aucune n’arrive à dominer les autres pour se manifester clairement sur votre visage. Je fais souvent cet effet aux gens car, comme vous l’aurez compris… Je suis un homme qui inspire le respect ! La grandeur ! La gloire ! Je suis… Un idéal devenu réalité ! Ou la réalité dans toute sa splendeur idéale ! Qu’importe, je suis Kyurem et je vous apporte… DE LA JOIE ! A toi, à toi et à toi !

L’homme masqué avait dit ça en pointant tour à tour du doigt quelques Gijinkas, tandis que les automates se relevaient, certains applaudissant, d’autres agitant des pancartes avec écrit “Vive Kyurem”, “Quel discours merveilleux” ou d’autres compliments dédiés au Déchu, celui-ci posant sa main sur son menton, l’air de réfléchir, comme s’il n’avait pas oublié quelque chose. Il sembla enfin se rappeler de la raison de sa présence et lâcha de façon beaucoup moins emballé :

-Ah oui et c’est Missingno qui m’envoie pour vous dire de croire en lui, j’avais failli l’oublier, donc voilà, pensez à lui… Mais surtout, pensez à moi et ne soyez pas trop intimidés par mon auguste présence, hahahaha !

Même s'il ne semblait pas s'en rendre compte, personne parmi les spectateurs ne semblaient impressionné. Ils avaient bien entendu parler de Missingno mais personne n'était venu s'occuper de leur archipel depuis le départ d'Artikodin de toutes façon. Ils ne pouvaient pas donner d'importance à une faction qui ne s'était jamais vraiment manifesté dans leur quotidien. Peu impressionnés, pour ne pas dire encore plus désabusés qu'auparavant, aucun ne prit le temps de s'attarder plus longtemps sur la présence de cet homme excentrique, les différents Gijinkas présents ne prenant même pas la peine de s'échanger un regard interloqué ou de demander aux autres s'ils savaient ce que cela pouvait signifier. Chacun semblait disposé à retourner à ses occupations habituelles plutôt que de perdre plus de temps en compagnie du Déchu. Depuis les coulisses de la scène, une femme Mastouffe avait fixé toute la représentation d’un encore plus blasé et désabusé encore que le public, allant jusqu’à se frapper le visage de décontenance.

*Sérieusement, c’est ça que tu appelles “chauffer la salle” ? Tu les as fait descendre en dessous du 0° Celsius, là.*

La femme, Augusta Proda, émit un long soupir, puis finalement, se secoua un peu tout le corps, avant de se frapper les deux joues avec ses mains comme pour se concentrer. Tout cela semblait irrattrapable, mais elle pourrait toujours tenter le coup. Augusta ferma ses yeux quelques secondes, inspira, expira, rouvrit ses yeux l’air plus ou moins déterminé, et pénétra sur la scène.


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L’Appelée s’avança vers le centre de la scène, là où se trouvait Kyurem, et en arrivant à son niveau, sans prévenir ni changer son expression faciale blasée, la femme Mastouffe donna un coup de pied brutal et rapide dans le fessier du Déchu pour l’envoyer paître de se place, ce qui attira automatiquement l'attention de tout ceux pouvant voir ou entendre la scène et le bruit ridicule de Kyurem se laissant vautrer sur la glace et glisser pitoyablement sur plusieurs mètres dessus, alors qu’Augusta avait pris sa place, fixant le public de son visage pragmatique et les mains plongés dans les poches.

-Yo. Oubliez le comportement de ce mec, il a du se prendre un éclair sur la figure quand il était jeune, je pense.

La femme Mastouffe avait désormais agrippé l’attention d’une bonne partie du public présent de base, la brusquerie qu’Augusta avait infligé à Kyurem semblant ayant avoir suffisamment ravi les foules pour les rendre curieuses. Celle-ci soupira et lâcha de sa voix emplie de tempérament et de cynisme.

-Je sais pas vous, mais je commence à en avoir marre de toutes ces conneries. Et je parle pas des cabrioles de l’autre abruti au sol. Le monde, tout ça. Tout le monde se fout sur la gueule, on se fout de NOTRE gueule, bref, c’est vraiment la merde. Ils sont tous là avec leurs belles paroles, leur classique argument du “ah, ce gars est mal, je suis mieux, venez à nos côtés” pour nous embarquer dans des guerres moisies. Et si c’était que la guerre… La noblesse ? Que des problèmes. Les gouvernements ? Que des problèmes. Franchement, tout cela me casse les noix.

Peu à peu, les gens commencèrent à être intéressés par les propos de la femme Mastouffe, se complaisant dans ses propos en étant totalement d’accord avec elle. Un membre du public un peu plus sceptique et vicieux se permit d’intervenir à voix haute :

-Laissez-moi deviner, vous allez nous demander de rejoindre ce Missingno aussi, n’est-ce pas ?

-Augusta : Yup.

-Et bien sûr, je suppose que ce cheeer Missingno, lui, est parfait, sans défauts, et qu’on devrait le suivre sans hésiter ?

-Nope. Il vaut sûrement pas mieux que les autres.

L’homme du public fut complètement décontenancé et ne sut quoi répondre, les autres spectateurs étant tout aussi perturbés par la phrase d’Augusta, qui restant toujours aussi posé, se permît d’approfondir sa réponse :

-Nan mais honnêtement, vous avez vu le spécimen ? C’est une petite fille cannibale chef d’une armée. Rien que là, déjà, c’est super chelou. Puis elle se présente comme le grand Dieu créateur de ce monde, mais arrive même à poutrer une petite bande de rebelles. Franchement, c’est vraiment pas crédible.

Les spectateurs étaient, malgré leur accord avec les propos de l’Appelée de la Sincérité, toujours aussi déstabilisés, ne comprenant pas où elle voulait en venir. L’homme ayant déjà parlé hésita quelques instants, puis lâcha finalement :

-Mais du coup… Vous voulez qu’on rejoigne une telle personne ?

-Bah ouais… Parce que c’est toujours mieux que rien. Nan parce que j’ai vite fait le calcul, croyez-moi. C’est quoi les autres options ? Une bande de rebelles enfermés dans leur archipel et s’en foutant complètement de nous ? Les destructeurs, là ? Pfft, quelle blague. “Euh gneuh gneuh je vais détruire le monde”. Cela donne super envie, tiens. Au moins, ce Missingno fait l’effort de nous envoyer vous convaincre, même si c’est avec des débiles comme l’autre, ce qui veut dire qu’il s’intéresse à vous.

Le public parut de nouveau dubitatif, ne sachant pas trop quoi penser. La femme Mastouffe soupira et lâcha finalement :

-Sérieux, me faîtes pas le coup du “oh là là, dans ce cas, autant rien faire du tout”. Vous allez rester toute votre vie à broyer du noir dans ce palais, vraiment ? Moi, j’ai compris un truc : Si on veut changer le monde, il faut se bouger les fesses, et faire bouger les choses de l’intérieur. Et puis, si on rejoint Missingno, bah on apprend des choses sur lui, on sait à qui on a à faire. On s’habitue. Vous préférez vraiment espérer l’arrivée d’un énième manipulateur qui va vous dire ce qui vous fait plaisir, comme si des “bons” leaders existaient vraiment ? Bah pas moi.

Il y eut du brouhaha dans le public chacun réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. La femme Mastouffe les observa calmement, avant de conclure son discours.

-Bon, de toute évidence, vous avez besoin d’y penser. Pas de soucis, on attendra le temps qu’il faudra. Lorsque vous vous serez enfin décidé à avoir un rôle dans ce monde, et à faire en sorte qu’il soit un peu moins merdique, vous m’appellerez.


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https://www.youtube.com/watch?v=bA_t9nQLo1Q

-Augusta : Bon sang, c’est d’un relou de convaincre ces gens. Ils pourraient pas juste dire “ouais, bien sûr”, et pas nous faire perdre de temps…

Augusta et Kyurem, après leur spectacle, s’étaient isolés pour se reposer un peu de leur spectacle, dans un coin du palais, la femme Mastouffe étant clairement de mauvaise humeur et désabusée par la situation. Le Déchu, lui, se mit à rire, l’air blasé de sa coéquipière semblant le mettre de bon humeur, comme s’il se moquait un peu d’elle.

-Et encore, tu n’aurais certainement pas réussi à capter leur attention sans ma BRI-LLANTE première partie !

Il s’arrêta pendant quelques secondes, prenant un air soudainement sérieux avant de déclarer :

-Tu ne peux pas t’attendre à ce qu’ils hochent gentiment la tête ou te suivent sans grande conviction. Ce que tu leur demandes… Tu ne t’en rends peut-être pas compte mais cela remet en cause leurs idéaux et leur conception même de la réalité. Cela rend leur choix forcément difficile. Mais bien entendu, ils accepteront de suivre Missingno dans l’espoir de me côtoyer chaque jour !

-... Dis-moi… Toute cette comédie que tu nous fais, le fait d’être extraordinaire aux yeux de ces gens, d’être meilleur que tout le monde et tout ce tralala… Tu le penses vraiment ?

Les yeux perçants fixèrent attentivement Kyurem alors qu’elle attendait une réponse à sa question de ce dernier. Le Dragon de la Frontière eut un sourire à la fois amusé et énigmatique qui se teinta d’assurance alors qu’il répondait :

-Evidemment ! Certains peuvent croire que je vis dans mon monde, mais qu’y-a-t-il de mal à cela ? Dans mon monde, je suis le Roi ! Personne ne m’impose quoi que ce soit ! Au contraire, c’est moi qui impose ma vision du monde, ma réalité, aux autres. Rien que cela me rend bien plus digne et génial que toutes ces personnes qui errent, asservis aux autres, asservis à leur vision étriqué du monde et qui ont trop peur de s’affirmer, de tenter quoi que ce soit. Je ne vois pas pourquoi je m’en cacherais, hahaha !

-Augusta : Je vois...

La femme Mastouffe se détendit un peu, comme si elle avait fini d’analyser quelque chose, et se montra un peu moins sombre dans son comportement envers le Déchu, ce qui contrastait avec son attitude jusqu’à maintenant. Elle hésita quelques secondes silencieusement, puis finalement lâcha calmement :

-Si je suis ton raisonnement, j’ai un peu du mal à comprendre ce que tu fais au service de Missingno alors. Se battre pour lui, ce n’est pas être asservi à son point de vue, d’une certaine façon ?

Le Déchu hocha lentement la tête, prenant quelques secondes pour bien réfléchir à la question de son Appelée.

-Je vois ce que tu veux dire. Simplement, je ne crois pas que l’asservissement et l’allégeance soient la même chose. Je ne chemine pas derrière Missingno mais à ses côtés. Nos buts, notre vision du monde, ne sont pas si différents au fond. C’est pourquoi j’affirme mes propres convictions en étant dans son camp. Car je pense sincèrement… Qu’elle est ce dont ce monde a besoin.

La femme Mastouffe resta interdite, puis finalement lâcha d’une voix nonchalante et avec une pointe de sympathie dans son timbre de voix :

-Kyurem… J’aimerais bien te parler de quelque chose…

La femme Mastouffe s’interrompit soudainement, fronçant les sourcils et reprenant son air blasé, avant de lâcher sombrement :

-On a de la compagnie.

L’homme masqué releva la tête dans la direction où Augusta regardait, l’air légèrement contrarié l’espace d’un instant, comme s’il aurait voulu en entendre plus de la part de l’Appelée. Cependant, son expression changea du tout lorsqu’il aperçut la belle femme aux longs cheveux rouges qui marchait vers eux, accompagnée par une figure encapuchonnée qui restait plusieurs mètres derrière elle.

-Kyurem : Oh, Zoroark, tu es venu voir ton Déchu préféré ? Hahahaha !

La Gijinka polymorphe eut un léger sourire en coin, semblant plus amusée qu’agacée par la remarque de son allié. Son sourire se fit plus grand et ses yeux se mirent à briller d’excitation alors qu’elle annonçait la raison de sa visite :

-Si je suis ici… C’est pour vous proposer une quête vers la vérité que vous ne pourrez pas refuser !