Archipel de l'Espoir

Eldor était debout, au sommet d’une colline, son regard fatigué, presque vide, balayant la plaine que la colline surplombait. Celle-ci était pleine de corps de Gijinka, tous massacrés. Des Dacotas et des Kentuckys qui s’étaient affrontés de leur vivant pour se rejoindre dans la mort. L’homme-Démolosse porta une cigarette à ses lèvres qui s’alluma toute seule. Il avait mal dirigé ses soldats. Il avait gagné et fait battre en retrait les rares Kentucky qui avaient survécu, mais il avait l’impression personnelle d’avoir échoué. Il lança un regard derrière lui. Il y avait une trentaine de soldats, plus ou moins en bon état. Ceux qu’il avait réussi à sauver de l’embuscade des Kentuckys ou ceux qui avaient réussi à se débrouiller tout seul, du mieux qu’ils pouvaient. Trente personnes. C’était dix fois moins que le nombre de soldat qu’il dirigeait au départ. Le chef des soldats entendit des bruits de pas derrière lui et détourna légèrement la tête pour apercevoir Jack, un éclaireur légèrement plus âgé que lui mais qui avait rejoint l’armée après lui et qui semblait avoir un avenir prometteur selon les dires des Grands Chefs mais aussi selon les observations personnelles d’Eldor. Il avait cependant déjà eu quelques altercations avec cet éclaireur, qui ne semblait pas partager ses points de vue sur certaines choses. Peut-être était-il venu lui reprocher cet hécatombe. Il haussa un sourcil avant de demander :

-Qu’y-a-t-il, Jack ?

-... Tu m'as sauvé la vie... Pourtant un salaud comme toi... Je ne comprends pas…

Eldor haussa les sourcils, se retournant complètement cette fois-ci, tournant dos au champ de bataille et de dévastation, à cette défaite, pour faire face à la personne qu’il avait réussi à sauver, à cet éclaireur plein de questions. L’homme-Démolosse tira une bouffée sur sa cigarette avant de sourire à l’Etouraptor :

-Bah, normal, j’allais pas laisser un ami se faire exploser comme ça ! Tu étais à côté de moi et j’ai vu qu’ils allaient t’attaquer… Ce serait indigne de moi de n’avoir rien fait.

-Comment ça, un ami ?

Jack avait froncé les sourcils, clairement désabusé.

-Tu trouves vraiment que notre comportement ressemble à celui d’amis ? Nous nous disputons à chaque rencontre. J’ai toujours contesté tes ordres. Je déteste ta façon d’être et d’appréhender la guerre. En quoi cela fait-il de nous des amis ?

-Hein ? Il faut être d’accord avec quelqu’un pour être son ami ?

Le chef des soldats fronça les sourcils, semblant réfléchir sérieusement pendant un instant, comme s’il essayait de trouver quelqu’un qui était vraiment souvent d’accord avec lui, avant de hausser les épaules.

-Bah, peu importe. Que tu sois d’accord avec moi ou non, que tu sois mon ami ou non, tu es un de mes soldats et je devais bien te protéger. J’aurais été heureux de mourir si ça avait pu sauver tout le monde. Mais je suis déjà soulagé de t’avoir sauvé toi et les autres soldats.

-Si tu es si inquiet pour la survie de tes soldats… Pourquoi ne fais-tu rien pour arrêter cette guerre stupide ? Tu en as le pouvoir, non ? Engage des négociations ! Arrête ce massacre ! Honore comme il se doit la vie de tous ces hommes morts pour cette cause stupide !

Eldor eut l’air étonné un moment, avant d’avoir un léger rire qui semblait à la fois nerveux et amusé.

-Je suis flatté si tu crois que je suis capable d’arrêter cette guerre mais je crois que tu as trop d’espoir en moi. Sarah et Nyx pourraient m’écraser s’ils le voulaient et je suis certain qu’il y a des soldats d’élite de leur niveau dans le camp des Kentuckys.

L’homme-Démolosse sembla songeur un moment, comme s’il rêvait à un avenir impossible avant de continuer :

-Evidemment, si j’avais le choix, si je pouvais, comme ça, mettre fin à tout ça… Je pense que je le ferais. C’est vrai, la guerre est mon élément mais si je le pouvais empêcher tous ces morts, crois moi, ça me rendrait heureux, moi aussi…

Il sembla ensuite reprendre son attitude habituelle et s’étira, l’air un peu désabusé.

-Enfin, ce choix ne m’appartient pas, alors pourquoi est-ce que je m’épuiserai ? Ma position me va bien et si je sauve les soldats de mon camp c’est déjà pas mal, je trouve. On peut pas tout faire, après tout.

-... Sigh… Il te reste une clope ?

-... Toujours. J’arrive à m’arranger pour en gratter à Sarah quand j’ai pas encore eu ma solde.

Le Démolosse passa une cigarette à son camarade et l’alluma d’un claquement de doigt lorsque l’Etouraptor la porta à ses lèvres. Il resta ensuite pensif, à nouveau, un léger silence s’installant entre eux, jusqu’à ce qu’Eldor demande doucement, prouvant que, pour la première fois, il semblait accorder une réelle importance au discours de l’Etouraptor :

-... Et toi, Jack… Tu penses pouvoir l’arrêter, cette guerre ?

Jack hésita un instant, puis aspira finalement une bouffée de la cigarette, avant de lâcher un sourire à la fois amusé et amer.

-Ce qui est sûr… C’est que si j’en avais les moyens… Je serais vraiment prêt à tout pour y arriver.

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Eldor ne pouvait que ce souvenir de ce moment passé avec Jack maintenant qu'il faisait face à l'homme-Etouraptor. Ce n'était pas leur première rencontre, qui avait été bien plus houleuse... Mais c'était cette discussion qui avait démarrée leur amitié, il en était sûre. C'était peut-être même cet espoir, cette foi un peu naïve que Jack avait placé en lui ce jour-ci, qui l'avait motivé à devenir Grand Chef. Après sa mort, il pensait avoir perdu une grande part de ce qui avait fait ses années de Dacota et peut-être son ami le plus cher. Il avait eu du mal à faire son deuil mais il avait pu accepter, au moins, le fait qu'il soit mort en héros et en poursuivant son idéal. Et maintenant, il était là, face à lui, sans être Jack. Il ne comprenait pas. Il ne pouvait pas comprendre. Pourquoi était-il en vie ? Pourquoi Miranda l'avait-elle amenée à lui en lui disant qu'elle le menait à Mavis ? Et dans ce cas, Kailla était-elle vraiment Kailla, Océane était-elle vraiment Océane, Mary était-elle vraiment Mary et ainsi de suite.

Il y avait quelque chose qui ne tournait pas rond, quelque chose que son esprit ne semblait pas capable de saisir. Mais il y avait une chose dont il était sûr... De tout ce qu'il avait vécu, c'était l’événement le plus bouleversant de sa vie. Il lança un rapide coup d'oeil vers la femme-Papillusion. Evidemment. Elle devait savoir. Elle devait savoir que s'il y avait bien une personne contre qui il ne voulait pas se battre, une personne sur qui il ne voulait pas lever la main, c'était bien Jack. Se battre contre lui une seule fois l'avait déjà déchiré, une fois de plus et il serait brisé. Il ne voulait pas se battre contre l'homme-Etouraptor d'une force aussi grande que sa volonté de prendre sa revanche sur Miranda. Pour l'instant, il devait essayer de comprendre. Peut-être lui mentait-elle. Peut-être que Jack, ou Mavis, aurait des explications à lui donner. Face à l'expression étonnée des personnes qui lui faisaient face, il déclara, d'une voix moins faible qu'avant, d'un ton moins hésitant qui montrait maintenant que ses propos étaient clair et qu'il savait ce qu'il voulait dire :

-... Mon esprit doit me jouer des tours, en effet. A tel point.. Que j'ai du mal à discerner le vrai du faux, Mavis.

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L'homme-Etouraptor fronça les sourcils quelques secondes, Eldor pouvant directement et clairement reconnaître en lui ce regard perçant et perspicace qui lui était si propre. "Mavis" resta interdit quelques secondes, puis comme si il avait définitivement compris où l'Homme Démolosse voulait en venir, lança un court regard à Miranda, qui en réponse, hocha légèrement la tête. "Jack" soupira d'un air blasé, puis s'adressa à ses trois Muses, Kailla Lektro, Océane Bluesky et Mary O'Donnell, avec un mélange de sérénité et d'autorité dans sa posture, son visage et sa voix.

-Mavis : Je dois m'occuper de notre cher Eldor, les filles... Allez vaquer à vos occupations, on reprendra la réunion plus tard.

La réaction fut quasiment instantanée pour chaque Muse, chacune à leur façon, et les trois femmes quittèrent la pièce, laisse Eldor Stein seul face à Mavis et Miranda, qui restait silencieuse. Etonnamment, à peine les trois Muses sorties, l'attitude de Mavis se montra beaucoup plus décontractée et désabusée, comme si il ne s'embêtait plus à garder la tête haute devant elles. L'homme Etouraptor hésita quelques instants, puis lâcha nonchalamment :

-Bon, pas la peine de tourner autour du pot mille ans, n'est-ce pas ? Miranda m'a déjà mise au courant de ce qu'elle avait fait. Tu ne te souviens pas de moi en tant que Mavis, mais en tant que Jack Harrisson, n'est-ce pas ?

L'homme ailé se leva de sa chaise, et s'éloigna un peu vers la grande baie vitrée derrière la table, donnant une vue sur le reste de l'île qu'Eldor ne pouvait voir de là où il était situé. Puis Mavis se posa contre le mur juste à côté de la dite baie vitrée, bras croisés et lâcha sérieusement :

-Désolé, mais je ne suis pas cet homme. Enfin, si, mais pas vraiment... Rah, fais chier, ça paraissait plus simple à expliquer lorsque je répétais...

-Miranda : C'est la même personne. Mais pas avec la même mémoire ni le même vécu.

-Ouais voilà. Comme elle dit. Ça n'empêche pas la relation que tu avais avec l'autre Jack d'être sincère, je pense... Et je tiens à ce que tu saches, même si tu ne t'en souviens pas, que tu es clairement le meilleur ami que j'ai en ce monde ici aussi, quoique tu puisses en penser... Mon identité et ma mémoire ont peut-être changé, mais je reste le même homme. Et je suis persuadé que quoiqu'il te soit arrivé, tu es encore le même au fond...

Par pur réflexe, Mavis sortit un paquet de clopes d'un des placards, en sortant une du paquet l'air un peu blasé, comme pour y chercher de quoi reprendre sa contenance, mais Miranda se téléporta alors soudainement devant son père, lui retirant la clope des mains l'air réprobateur.

-Papa. Tu avais dit que tu arrêtais. Tu dois préserver ce corps, on en a déjà parler.

-Roh, juste une petite pour me remettre de mes émotions, tu vois bien que je suis psychologiquement perturbé là... Le stress, les retrouvailles entre amis, tout ça...

-Papa !

-Bon bon...

L'homme Etouraptor laissa tomber et posa le paquet de clopes sur le bureau du tiroir où il les avait obtenu, reprenant alors en s'adressant à Eldor, l'air déçu alors que Miranda le surveillait attentivement des yeux.

-M'enfin... Je suppose que tu as des questions... Et surtout des revendications, n'est-ce pas ? Je t'écoute.

Eldor haussa les sourcils, incrédule face à l'attitude si sympathique de l'Etouraptor. Tout lui rappelait Jack... Et en même temps il savait que ce n'était pas la même personne. Pourtant, il ne voulait pas y croire. Il se demandait même s'il n'aurait pas préféré perdre Jack définitivement plutôt que d'avoir à vivre ça. Et en même temps, cet homme se comportait en ami, comme Jack, il ne ressentait aucune animosité venant de lui. Et surtout... Kailla avait l'air d'aller bien. C'était la deuxième chose qu'il avait remarqué, après la présence de "Jack". Non pas que la femme-Carchacrock passe au second plan. Au contraire. Il avait aussi été ému de la voir, soulagé de voir qu'elle avait l'air d'aller bien, peut-être même d'être heureuse. Et en même temps... Lorsqu'il avait fait tout ça pour la ramener, il ne pensait pas la ramener comme cela. Ce n'était pas ce qu'il voulait, tout comme il ne voulait pas de ce Jack-ci, de Mavis, mais de celui avec qui il avait vécu tant de batailles et de moments, heureux ou non mais qu'ils avaient passé ensemble et qui avait forgé leur relation. Pourtant, il s'était surpris à sourire l'espace d'un bref instant en voyant Miranda empêcher Mavis de fumer une cigarette. Il aurait presque été détendu si la femme-Papillusion n'était pas présente. Il ne pouvait pas s'empêcher de lui en vouloir et en même temps, l'attaquer ici, maintenant, sans s'expliquer avec cet homme qu'elle avait ramené était la pire des choses à faire. Il n'était plus cet Eldor impulsif qui ne vivait que pour se battre, ni cet Eldor nonchalant qui aurait accepté la situation sans réfléchir. Il avait bien des questions, peut-être trop. Il devait commencer par le plus important... Clarifier la situation.

-Donc, si je comprends bien... Le Jack que j'ai connu n'était ni plus ni moins qu'un Mavis qui s'ignorait ?

Eldor lança un rapide coup d'oeil vers la table. Cet homme avait raison. Plus que jamais, il avait besoin d'une cigarette lui aussi. Il tâta le contenu de ses poches l'espace d'un instant avant d'en sortir son étui à cigarette et d'en porter une à ses lèvres. Au moins, Miranda ne se préoccuperait pas de sa santé, à lui. L'homme-Démolosse tira une bouffée avant de se masser les tempes, la nicotine aidant son corps à se détendre et estompant artificiellement la douleur qu'il ressentait au niveau du crâne, comme si une migraine était née de sa tentative de se concentrer sur tout ce qu'il avait vécu et de les mettre en rapport avec ce que le chef des Muses venait de lui dire.

-C'est aussi décevant que déroutant pour moi... J'ai l'impression que c'est notre première rencontre sans l'être. Tu dis que je suis un de tes meilleur ami, mais pour moi, c'est notre première rencontre. Tu as des souvenirs lié à moi ? Pourtant je n'en ai aucun qui te concernent, tous mes souvenirs sont liés à Jack. Tu dis que Miranda t'as "expliqué", si je met bien ça en relation avec ce que tu viens de dire... Alors tu ne te souviens pas de ce passé en tant que Jack, je crois. Pourquoi est-ce que je m'en souviens ? Lorsque Miranda nous a trahi...

L'homme-Démolosse lança un regard assassin vers la femme-Papillusion avant de se reprendre et de dire plus calmement :

-Lorsque Miranda a utilisé son sort, elle nous a assuré que personne ne se souviendrait de ce qui s'est passé avant. Alors pourquoi est-ce que moi, je m'en souviens ? Pourquoi est-ce que tu es Jack pour moi et pas Mavis, et quel genre d'homme je suis pour toi puisque je n'ai aucun souvenir de ce que j'ai pu faire pour devenir ton ami ?

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Mavis avait écouté calmement Eldor parler sans l'interrompre, affichant visuellement une certaine peine en entendant les propos de son ami, et ressentant une soudaine jalousie de voir l'homme Démolosse pouvoir se détendre dans cette situation grâce à la nicotine, et pas lui. Miranda sembla vouloir intervenir, mais l'homme Etouraptor avait levé la main comme pour l'interrompre, la femme Papillusion n'osant alors plus parler.

-Pour ta première question, tu as tout à fait raison. Je ne vois même pas quoi rajouter tellement ton explication est courte et explicite. Jack a toujours été Mavis, en le sachant ou non, et Mavis a été Jack dans la période dont tu te viens. Et ma foi... Tu as raison au fond. Nous ne partageons pas les mêmes moments, les mêmes souvenirs, les mêmes expériences... Et ça, crois-moi, ça m'attriste autant que toi. Et il est bien difficile de dire ce qui a pu faire que tu t'en souviens encore de l'ancien toi à l'heure qu'il est. Miranda m'a dit ne pas savoir. Tout ce que je sais, c'est que lorsque tu t'es évanoui il y a quelques heures, et que Miranda m'a expliqué que le Eldor que je découvrirais ne sera plus jamais le même... Je...

L'homme Etouraptor ne trouva pas les mots, se contentant de regarder vers l'extérieur via la baie vitrée, puis laissa échapper un soupir légèrement empli de mélancolie.

-Je suppose que plus rien ne sera jamais comme avant, hein... ? Nos rêves de mettre fin à la guerre et de passer à un monde de paix...

Mavis garda le silence quelques instants, Miranda affichant un regard étrange à Eldor. Cependant, elle annula immédiatement ce regard quand son père tourna de nouveau son visage vers l'homme Démolosse, de nouveau détendu et nonchalant.

-Je n'ai pas approuvé la décision de Miranda de me ramener à la vie sans me demander mon avis. Savoir qu'elle a sacrifié des millions d'âmes pour me sauver... Et que cela nous a coûté nos souvenirs communs ensemble... Et en même temps, je ne peux pas vraiment lui en vouloir d'avoir voulu sauver son père, hein... ?

Le regard de l'homme ailé se plongea dans celui de sa fille, qui détourna les yeux l'air perturbé par les yeux perçants de l'homme Etouraptor.

-M'enfin, on va dire que c'était l'intention qui comptait, n'est-ce pas ?

L'homme-Démolosse écarquilla les yeux en entendant la phrase de Mavis sur la paix, celle-ci renvoyant directement l'ancien chef des Dacotas à son souvenir de cette discussion qu'il avait eu avec Jack, cette discussion qui avait vraiment commencé leur amitié. Peut-être que son amitié avec cet homme-ci avait pu commencé de la même façon que celle avec Jack, avec les mêmes mots, les mêmes projets, la même volonté d'atteindre la paix, lui nonchalant et Mavis utopique... Peut-être y avait-il vraiment des destins que rien ne pouvaient briser...

Il n'en saurait jamais rien. Il ne pouvait pas demander ça à l'homme-Etouraptor maintenant. Il ne pouvait qu'en avoir l'intuition et être profondément touché par ces mots. Il avait l'impression que cet homme était sincère. Il lui parlait en ami. Il se souciait de lui, de son état. Il semblait déjà le regretter, alors que lui n'en était pas capable puisqu'il ne pouvait se morfondre sur des événements qui, pour lui, n'avaient jamais eu lieu. Il y avait de quoi devenir fou. Au fond de lui, il avait l'impression qu'il avait envie d'accepter cet homme. Mais à nouveau, la présence de Miranda, les regards que le Démolosse et la Papillusion s'échangeaient dans le dos de l'Etouraptor, ses souvenirs du Time Break et de ce qu'elle lui avait dit... Tout l'en empêchait. Pourtant, il ne pu s'empêcher de répondre, sa voix à la fois solennelle et marquée par l'émotion :

-Ce rêve de paix... Je ne l'ai jamais oublié. Je ne suis pas le mieux qualifié pour le réaliser... Tout ce que je sais faire, c'est me battre. Pourtant, cette promesse qu'on s'est faite, cette volonté d'accéder à un monde meilleur, je m'y suis toujours accroché. Je ne l'ai jamais abandonné. Mais cette promesse... Ce n'est pas à toi que je l'ai faite. Je suis perdu. Et surtout...

Eldor releva la tête, défiant clairement Miranda du regard cette fois-ci alors qu'il enchaînait :

-Tu es incapable d'en vouloir à Miranda et moi je suis incapable de lui pardonner. Je suis heureux de voir que la personne que je considérai comme Jack est en vie et va bien. Il en est de même pour Kailla, d'une certaine façon, Miranda nous a trahi mais elle a bien empêché sa mort. Mais je ne peux pas accepter ce qu'elle a fait... Sauver son père est une chose, détruire des vies comme celles de Nelly ou de Glacia est inacceptable, surtout pour moi.

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Le nouveau Jack resta impassible en écoutant attentivement les mots d'Eldor, avec respect et patience, comme si chaque mot de l'homme Démolosse comptait et qu'il s'en abreuvait. Il resta aussi complètement détendu face à l'échange de regards électriques des deux autres interlocuteurs, en la personne de son meilleur ami et de sa fille, comme si il s'attendait parfaitement à ce que cette situation arrive. Cependant, là où le nom de Glacia ne sembla rien évoquer en particulier à l'homme Etouraptor, comme si ce dernier lui échappait, il écarquilla soudainement les yeux lorsque le nom de Nelly résonna dans ses oreilles, et put se lire sur les lèvres emplies de reproches d'Eldor. Mavis resta interdit ainsi quelques instants, ne trouvant rien à répondre. Ce fut Miranda qui répondit, d'une voix hautaine et clairement sur la défensive :

-Miranda : Balivernes. Je n'ai rien eu à modifier ou influencer pour qu'une telle chose arrive, ces femmes étaient juste destinées à terminer ainsi, vu leur comportement intolé-

SLAP.

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La gifle que venait de se prendre la femme Papillusion en plein milieu de la joue droite, interrompant immédiatement ses propos, résonna dans toute la pièce, et provoqua un léger courant d'air autour de l'impact. Le coup était parti instantanément et avec une incroyable vitesse, faisant valser légèrement sur le côté la tête de Miranda alors qu'elle affichait un air choqué et affligé, ne trouvant rien d'autre comme réaction que d'écarquiller les yeux. Une marque rouge très prononcée avait pris forme sur son visage, alors que Mavis lui faisait face, la main encore levée après la gifle qu'il venait de lui asséner. Le visage de l'homme Etouraptor était empli de sévérité et de colère, qui semblait difficilement répréhensible, et le coup avait été d'une telle violence qu'il ne fait aucun doute qu'une personne n'étant pas aussi puissante que Miranda, et un peu frêle physiquement, serait mort sur le champ après un tel choc. Du sang coula légèrement de la narine droite de la femme Papillusion, qui perdit toute sa confiance en une fraction de seconde. Miranda posa sa main sur sa joue, tremblante et terrifiée, alors que son regard était absorbé par celui réprobateur de Mavis. Le ton de celui-ci n'était plus détendu et nonchalant, mais sombre et tranchant.

-La vie de Nelly... Détruite hein... J'aimerais bien quelques informations supplémentaires, Miranda. Je crois bien que tu as omis de me parler de ce point-ci tout à l'heure.

-Miranda : Euh, je... Eh bien... Tu... Vous... Vous savez, des accidents arrivent, dans ce genre d'opérations...

-La vérité.

-... Je... Eh bien, j'ai... J'ai possiblement fait en sorte qu'elle perde ses liens avec... Eldor ici présent et... Toute confiance en elle par rapport à vous... Mais... Mais comprenez, elle vous a planté déjà une fois, je ne pouvais prendre le risque que vous soyez de nouveau-

SLAP.

Un deuxième coup partit, claquant encore plus que le précédent, du revers de la main et sur la joue gauche de Miranda ce coup-ci. La femme Papillusion en tituba en arrière, un genou à terre, des larmes commençant à couler du bord de ses yeux en même temps que du sang du bord de sa bouche. L'homme Etouraptor abaissa sa main, jugeant sa fille du regard.

-Tu n'avais pas le droit, Miranda. Tu savais ce qu'elle valait pour moi. Et tu l'as volontairement blessée. Jamais je ne te pardonnerais ce que tu as fait. Pas à elle. La seule chose qui me retient de sortir les armes contre toi en ce moment-même est notre lien de parenté, sache-le.

-Miranda : P... Papa... je... Je voulais juste...

-Va-t-en. Je ne veux plus te voir, aussi longtemps que je n'aurais pas décidé de la punition à t'infliger pour ça. En admettant que je veuille te revoir un jour. Allez. Hors de ma vue.

La femme Papillusion ne trouva rien à répondre. Elle était trop bouleversée, trop humiliée, trop désespérée pour pouvoir répliquer et se défendre. Elle ne trouva rien d'autre à faire que d'émettre de silencieux sanglots, et de partir en courant en se cachant le visage, refermant la porte derrière elle avec précipitation. Mavis resta sombre et en colère pendant de longues secondes, ses mains tremblant de rage. Il inspira une grande bouffée d'air, et expira. Puis sans un mot, il se mît à sortir une cigarette du paquet qu'il avait sorti tout à l'heure, la fumant avec impatience et pulsions. Sa voix était fatiguée et usée, comme n'importe qui après un grand élan de colère.

-Tu... Eldor... Tu sais ce qu'elle est devenue du coup... ? Dans ce monde... ?

L'homme-Démolosse avait assisté à la scène, impassible, les bras croisés, tout en étant conscient que c'était bien ses propres mots qui avaient déclenchés la colère de l'Etouraptor envers sa fille. Il savait aussi qu'il venait certainement d'assister à une scène qu'il n'aurait pas dû voir, une scène privée entre un père et sa fille, mais qu'importe. Il n'avait plus besoin de chercher querelle à Miranda comme à Mavis à présent, il le sentait. Il l'avait compris en voyant le regard embué de larmes de la jeune femme. Elle aurait préférée mourir fièrement au combat face à Eldor plutôt que d'être humiliée de la sorte et rejetée ainsi par son propre père. Il était impossible pour lui de ne pas voir qu'il n'y avait sûrement rien de plus important pour Miranda que son père et qu'elle chérissait leur lien. Alors, après avoir assisté à cela... Il ne pouvait que comprendre qu'elle avait reçue la punition qu'elle méritait pour ses actes. Et que Mavis n'était définitivement pas quelqu'un qui cautionnait ce genre de choses. D'une certaine façon, il avait obtenu réparation et se sentait un peu plus à l'aise, tout en étant toujours déboussolé par les événements. Il eut un sourire amer en entendant la question de l'homme ailé avant de répondre, l'air mélancolique :

-Malheureuement, non. Je n'ai aucune information.

Il releva cependant la tête, plongeant un regard déterminé dans celui de Mavis :

-Cependant, avant qu'elle disparaisse, je lui ai fait une promesse. Celle de la retrouver et de ne jamais l'abandonner. Évidemment, elle ne s'en souvient plus... Mais je continue à vivre et à porter cette promesse.

L'homme-Démolosse marqua une pause, semblant réfléchir, avant de reprendre :

-Dans mon passé, nous nous sommes perdus de vue quelques années. Quand Sarah et Nyx en ont eu marre que je les harcèle pour savoir où elle avait élue domicile, j'ai appris qu'elle avait héritée de ses parents un petit archipel avec un immense manoir dessus. J'imagine qu'elle s'y trouve aussi dans ce monde ? On le surnommait l'archipel du Dingue. Peut-être pourrions nous la retrouver là-bas ?

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L'homme Etouraptor afficha un clair espoir lorsque Eldor sembla commencer à énoncer une idée plausible de là où pourrait être la femme Arbok, une véritable lueur passant dans ses yeux à ce moment-là. Mais celle-ci disparut immédiatement lorsque l'homme Démolosse précisa sa pensée, et lui parla de l'Archipel "du Dingue". Ces deux derniers mots lui firent même un grand pincement au cœur, lui tirant un rictus désagréable alors qu'il soupirait, prenant un air blasé sans être agressif.

-Je vois... Dans ce cas-là, nous en sommes au même point tous les deux, j'en suis navré. Je ne préfère pas savoir pourquoi il est appelé "Archipel du Dingue" dans ton monde, mais je vois très bien bien à ta description du manoir de ses parents duquel tu parles. Et malheureusement, je peux t'assurer qu'elle n'y est pas. Viens ici et tu comprendras pourquoi.

Mavis s'écarta légèrement et présenta la baie vitrée de la main, laissant son meilleur ami s'approcher et comprendre immédiatement ce dont l'homme Etouraptor parlait en regardant à l'extérieur de la pièce. Ils étaient à l'un des étages supérieurs d'un immense manoir, sur une certaine île d'un certain archipel, qu'Eldor ne connaissait que trop bien. Un archipel qui n'avait plus qu'une île et demie, comme juste avant le Time Break. L'archipel du Dingue, et le manoir des Snake. Ils s'y trouvaient en ce moment-même. L'ancien Jack laissa échapper un soupire triste et un peu désabusé, puis aspira une nouvelle vague de fumée sur sa cigarette, avant de finalement de s'expliquer.

-Lorsque j'ai obtenu le corps actuel, et que j'ai pleinement récupéré mes capacités, ainsi que mes Muses... L'une des choses que j'ai faite en premier lieu fut de la chercher. Et évidemment, j'en suis vite venu à cet archipel. Mais elle est maligne, elle savait que je la retrouverais facilement ici... Je n'ai trouvé qu'un manoir abandonné et poussiéreux.

L'homme Etouraptor termina son mégot de cigarette, l'écrasant sur le paquet pour l'éteindre, et se positionna devant la baie vitrée, aux côtés d'Eldor, plus solennel et mélancolique qu'à son habitude.

-Mais j'ai gardé espoir. L'espoir de la revoir un jour. Et j'ai donc décidé d'installer mon QG secondaire, après Eternal, dans ce manoir, afin d'être sûr de ne jamais la rater si un jour elle se décidait à y venir. Vu que l'archipel n'avait pas de nom officiel, j'ai décidé à l'image de ce que Nelly Snake représentait pour moi.

Mavis tourna son visage vers Eldor, plongeant son regard dans le sien.

-L'Archipel de l'Espoir.

Eldor regarda, stupéfait et attristé, cette île qu'il connaissait si bien. Il était donc chez Nelly... Mais cet endroit perdait toute sa saveur sans elle. Une fois son regard plongé dans celui de l'Etouraptor, alors que ce dernier annonçait le nom qu'il avait choisi pour l'archipel, le Démolosse hocha la tête machinalement, comme s'il approuvait, ce qu'il confirma après un léger silence :

-... C'est un nom magnifique. Je ne te connais pas depuis longtemps, mais j'ai pu constater deux choses. Tout d'abord, comme moi, tu n'approuves pas ce que Miranda a fait. Et ensuite, comme moi, tu as une grande affection envers Nelly Snake. Je ne suis pas quelqu'un qui se perd en réflexion. J'agis, je pense, je juge vite, parfois à mes dépend. Mais au moins, cela me permet de déjà comprendre pourquoi le "moi" que tu as connu t'as accordé sa confiance et son amitié. Si les agissements de Miranda n'avaient pas pris cette tournure, je crois même que nous serions rapidement redevenus de bons amis, mais tu peux comprendre que je sois encore refroidi par tout ce qui m'est arrivé. En réalité... Je ne sais même pas encore où j'en suis. Mais une chose est sûre ; je ne vois aucune raison de t'être hostile.

L'homme-Démolosse poussa un soupir fatigué. Malgré la nicotine, son mal de tête ne cessait pas. D'un autre côté, c'était naturel. Ce qu'il était en train de vivre était loin d'être naturel, même dans un monde comme le sien où la magie et la guerre avaient toujours joués un rôle majeur. Il ne pensait même pas qu'il était possible de changer le monde à ce point. Encore, s'il se souvenait de sa vie telle qu'il l'avait eu avec Mavis, ce serait sans doute plus simple... Mais Miranda s'en serait sortit sans problème et personne n'aurait été là pour tenir la promesse qu'il avait faite à Nelly. Il souffrait, mais il savait que c'était pour le mieux. Eldor sembla tout à coup avoir une sorte de révélation, comme s'il venait de comprendre quelque chose, avant de dire à l'Etouraptor :

-... Je viens seulement de m'en rappeler, mais Miranda m'a dit tout à l'heure que mon âme était spéciale. Je ne sais pas depuis combien de temps tu me connais, mais je suppose que tu sais que depuis mon combat contre Electhor, je change parfois radicalement de personnalité, comme si... Comme s'il y avait une autre âme qui se battait contre la mienne pour contrôler mon corps. Ca te dis quelque chose ? Tu penses que ça pourrait avoir un rapport quelconque avec ma mémoire ?

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Mavis écouta la première partie des propos d'Eldor attentivement, hochant la tête régulièrement, avant de lâcher finalement d'une voix peu élevée, plus pour lui-même que pour son interlocuteur.

-Ne t'inquiète pas... On aura tous les deux besoin de temps... J'espère juste que les nouveaux "nous" arriveront à s'entendre aussi biens que les anciens...

L'homme Etouraptor prit un air pensif et distrait pendant quelques instants, puis finalement, retourna son attention sur Eldor lorsque ce dernier parla d'âme "spéciale. Fronçant les sourcils, l'ancien Jack écouta attentivement son meilleur ami tout en sortant une nouvelle cigarette de son paquet, l'allumant et la fumant en se posant contre le mur juste à côté de la baie vitrée, là où il était déjà un peu plus tôt. Puis, lorsque l'homme Démolosse eut terminé ses explications, Mavis soupira et se gratta l’arrière des cheveux en fermant les yeux.

-Ouaip, je vois très bien de quoi tu parles. On l'a remarqué à plusieurs occasions... Ton aura particulière... Mais je n'ai jamais su mettre la main dessus. Ton âme est très floue, je n'arrive pas à la lire malgré mes capacités. La seule solution serait d'examiner ton âme de manière plus... physique, mais j'en suis malheureusement incapable... Mais maintenant que j'y réfléchis, je vois bien quelqu'un qui en est capable.

Mavis expira de la fumée, formant un symbole avec que l'homme Démolosse put immédiatement reconnaître, pour l'avoir beaucoup vu dans son ancienne vie. Une plume croisée avec une épée.

-Tu reconnais ce symbole ? J'ignore si tu connais ces gens-là dans ton ancienne vie... Ceux sont nos alliés. Nous faisons front commun ensemble contre la menace que représente Missingno. Nous nous échangeons des informations, des troupes, des ressources... Et leur chef me parait tout à fait apte à s'occuper de ton problème. Il s'agit du précepteur Genkishi Shibusen.

L'homme Etouraptor souffla sur le symbole de fumée pour le dissiper, puis continua de sa voix désabusée :

-Il ne t'offrira pas ce service gratuitement, le connaissant. Il attendra sûrement de toi que tu te joignes à lui, même si ce n'est que temporairement. Mais si cette "âme" te pose vraiment problème, tu devrais te tourner vers lui. Sylvain Icegton, l'un des nôtres, prévoyait justement de subi... procéder à leur entraînement rigoureux. Tu n'as qu'à lui demander pour l'accompagner.

Mavis s'étira et partit s'installer sur une chaise.

-Bon, avant de partir, prend soin de dire "Au revoir" aux autres du manoir. Même si tu ne te souviens pas forcément d'eux, eux t'ont connu comme un allié voir un ami, et cela leur fera vraiment plaisir que tu passes les voir. Oh, et... Eldor...

L'homme Etouraptor lança un regard sombre et mélancolique à son ami.

-Si tu trouves Nelly... Si... Si tu pouvais... Si tu pouvais lui dire que je l'attend ici, et que je lui ai déjà tout pardonné... Ça serait vraiment...

Mavis regarda ailleurs, n'arrivant à terminer ses mots, semblant pris par l'émotion.

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