Archipel Jinto

L’archipel Jinto était un vaste archipel aux airs lugubres, majoritairement recouvert par des montagnes escarpées où le vent sifflait de façon menaçante et par des forêts d’immenses sapins sombres. Au dessus de cet archipel ténébreux flottait une silhouette toute aussi effrayante, celle d’un homme-Dracaufeu qui se distinguait des autres membres de son espèce par sa chevelure et ses ailes noires. Celui-ci regardait l’archipel en ayant l’air de se concentrer profondément, fermant ensuite les yeux tandis qu’il descendait doucement vers le sol, se posant à un endroit où se trouvait un homme-Hypnomade qui semblait l’attendre. Dès O’Donnell sembla le jauger vite fait du regard. Ce Gijinka n’avait pas rejoint les rangs des Destructeurs depuis longtemps, mais il pensait pouvoir utiliser ses capacités au mieux. Il avait choisi un peu à la dernière minute de partir en expédition ici et il avait préféré ne pas y aller seul… Après tout, il avait senti une présence ici mais il ne savait pas à quel point elle pouvait être menaçante, même s’il ne craignait pas spécialement d’être attaqué par qui que ce soit. Le vent s’abattait sur l’île avec violence, faisant trembler les arbres, sans que les deux hommes ne réagissent pour autant. Au bout d’un moment, le Dracaufeu fronça les sourcils et déclara finalement :

-Soit la personne qui s’est installée ici est tordue soit elle aime le froid. Cela fait un moment que je sens de fortes pulsions destructrices semblant venir d’une même personne qui voyage d’archipels en archipels… Et son aura n’a jamais été aussi forte qu’ici. Elle ne doit pas être bien loin… Tu t’y connais en détection d’aura, Conwell ?

Le dénommé Conwell, un homme Hypnomade aux cheveux blond platine, et qui dépassait Dès d’une dizaine de centimètres de haut, se contenta de lui sourire. Un sourire effrayant mais charismatique. Il prit entre deux doigts le nez de son masque d’Hypnomade et rajusta celui-ci sur son visage, comme si il s’agissait d’une paire de lunettes, avant de se tourner et de désigner une montagne à l’horizon, ricanant doucement.

-Je m’y connais pas mal, ouais, héhé… Cette aura… Cette tendance à voyager… Et ces lieux aussi inhospitaliers… C’est une personne qui traque quelqu’un ou quelque chose, mais qui est elle-même traquée, n’est-ce pas ?

-... Peut-être oui. En tout cas, ce qui est sûr, c’est qu’elle ne veut pas qu’on la trouve. Mais ce serait vraiment dommage de laisser un tel potentiel destructeur errer sans but.

Tout en prononçant ces mots, l’homme-Dracaufeu se mit en route, suivi de près par l’Hypnomade. Il lança un rapide coup d’oeil autour de lui.

-C’est une personne qui sait ce qu’elle fait. Le lieu est difficile à explorer, sombre et sûrement plein de cachettes. Elle maîtrise aussi assez bien son aura pour la minimiser le plus possible. Cependant… Je suis un être de Destruction. Dès que quelqu’un ressent des pulsions destructrices, je les ressens aussi. Impossible de m’échapper quand on est dans un tel état d’esprit…

-J’ai hâte de voir exactement à qui nous avons affaire… Ca pourrait être amusant, pour une fois.

L’ancien chef de la famille O’Donnell eut un léger sourire en coin en entendant cela, les deux hommes semblant savoir précisément où ils devaient aller même s’ils n’avaient face à eux aucune indication. Tandis qu’ils montaient le long d’une pente, il répondit à son subalterne :

-Ah ! Evidemment ! Je ne ferais pas tout ce chemin pour rien. J’ai rarement senti une telle volonté de détruire et de nuire… Je crois que nous y sommes.

Les deux hommes se tenaient devant une légère faille dans un pan d’une des montagnes, assez grande et épaisse pour s’y glisser en se mettant de côté. Ils restèrent là quelques instants, semblant réfléchir à un moyen de passer.

-... J’ai une idée.

Tout en disant cela, Dès claqua des doigts et une partie de la montagne explosa, créant un passage beaucoup plus grand qui permirent aux deux Gijinkas de constater que la faille était en réalité un moyen d’entrer dans une cavité beaucoup plus spacieuse, dans lequel quelqu’un aurait même pu vivre quelques jours. L’homme-Dracaufeu respira l’air après que la fumée de l’explosion se soit dissipée, avant de hausser légèrement les sourcils et de demander :

-... Tu reconnais cette odeur ?

L’hypnotiseur sembla renifler pendant quelques secondes. Il fronça les sourcils, bien que cela ne pouvait être vu à cause de son masque. Puis, il retrouva son sourire précédent, haussant les épaules. Il connaissait beaucoup trop bien cette odeur.

-Haha… La conséquence de la destruction et du meurtre… Ca sent le sang.

https://www.youtube.com/watch?v=H4MVn0xh95c

Le chef des Destructeurs acquiesça. L’odeur était forte, à un tel point qu’il était étonné de ne pas l’avoir sentie plus tôt. C’était du sang qui avait coulé il y a peu de temps et en forte quantité. Une faible flamme apparut dans le creux de la paume de Dès tandis qu’il s’avançait aux côtés de Conwell au sein de l’antre, le Dracaufeu écarquillant les yeux en apercevant ce qui se trouvait à l’intérieur.

-Dès : … C’est un chaos sans nom.

Les deux hommes assistaient en effet à un spectacle des plus macabre, les murs semblant recouverts de sang tandis que des dizaines de corps jonchaient ça et là, certains dans un état de décomposition plus avancé que d’autres mais tous lacérés, tranchés, mutilés, le tout avec un sadisme palpable et pourtant une précision incroyable dans chaque coup qui avait été porté aux corps qui trainaient à l’intérieur de la grotte, une précision presque chirurgicale comme en témoignaient les nombreux scalpels plantés dans les cadavres et dans les parois. Dès s’avança un peu plus et s’accroupit pour éclairer les corps. La plupart étaient ceux d’enfants et on aurait dit que la personne qui les avait dépecés ainsi s’était amusée à les reconstruire, à reconfigurer les corps en greffant ça et là différentes parties du corps ensemble pour créer des Gijinka hybrides. En voyant cela, le Destructeur eut un bref ricanement, avant de déclarer :

-On dirait bien qu’on a affaire à un artiste ou à un savant fou. En tout cas, c’est quelqu’un qui a un vrai sens de la mise en scène, tu ne trouve pas ?

L’homme Hypnomade ricana à son tour, se penchant sur l’un des corps pour l’observer de plus près.

-Hahaha ! C’est sûr que ça sort de l’ordinaire ! Mais je parierais plus sur le savant fou… Regardez ça, les cadavres les plus récents ont subi des opérations de plus en plus complexes. Ca semble clair, quand on les compare aux autres plus décomposés. On dirait que notre amateur de science apprend de ses tentatives. Restez sur vos gardes, l’aura n’est pas loin…

Dès acquiesça doucement, suivant le conseil de l’hypnotiseur sans pour autant paraître inquiet, continuant à examiner les différents corps.

-Tu as raison… Ce n’est pas juste un travail de destruction. Il y a une volonté de créer derrière. C’est même impressionnant… Mais tout de même, je me demande qui est bien capable de faire une ch-

L’homme-Dracaufeu écarquilla les yeux alors que les deux Destructeurs pouvaient sentir une puissante aura éclater, une aura d’un sadisme et d’une violence extraordinaire, tels que Dès en avait peu ressenti de toute son existence. Cependant, ils comprirent tout de suite que cette énergie ne venait pas de l’intérieur de la caverne, même si sa source semblait bien être présente sur cette île.

-Tss, qui que ce soit, elle s’est déjà barrée pour aller se déchaîner ailleurs… Étrange de la part de quelqu’un de si prudent. Je suis même étonné qu’il n’y ait aucun mécanisme de sécu...

Le chef des Destructeurs fut à nouveau interrompu, cette fois-ci par un grand serpent, semblable à un cobra royal qui fonça vers lui, le Dracaufeu le brûlant juste à temps. Pourtant, il pouvait encore l’entendre… Le sifflement d’un serpent prêt à fondre sur sa proie.

-ATTENTION !

Tout à coup, des centaines de pentacles apparurent partout sur les parois de la grotte, des serpents et des scalpels surgissant de ceux-ci dans tous les sens pour frapper, mordre et tuer les Gijinkas ayant pénétré les lieux. Conwell attrapa d’un geste vif deux pendules en argent parmi les onze pendules qui étaient attachés à sa ceinture et les fit tournoyer dans les airs, le mouvement circulaire de chacun des deux pendules laissant dans sa trajectoire un fil de lumière bleue, formant deux anneaux de lumière qui grandirent d’un coup pour devenir aussi hauts que l’homme Hypnomade. Puis ces deux anneaux de lumière se transformèrent, prenant l’apparence de deux grands portails apparemment composés d’énergie noire. Conwell fit tournoyer à nouveau ses pendules, les deux “trous noirs” se mettant à bouger à grande vitesse toute autour de lui, tournoyant et absorbant sur leur trajectoire tous les serpents qui l’attaquaient, en dépit de leur nombre conséquent. En même temps, alors que d’autres pentacles semblaient continuer à apparaître au fur et à mesure comme pour garder la cadence, Dès se mit à propulser des flammes un peu partout, tuant les serpents aussi vite qu’ils continuaient à apparaître avant de lancer un rapide coup d’oeil vers Conwell et de lui demander :

-Tu peux nous téléporter à l’endroit où l’aura est la plus puissante ? La personne qu’on recherche devrait être là bas !

L’hypnotiseur serra les dents.

-C’est possible mais ça va faire mal…

Conwell cessa d’un coup de manipuler ses portails, sautant en direction de Dès en profitant d’une fraction de seconde pendant laquelle il n’y avait aucun serpent sur sa trajectoire. Alors qu’il se trouvait dans les airs avec des pentacles s’ouvrant tout autour de lui, il plaqua sa main droite sur son front, calculant à toute vitesse les coordonnées pour une téléportation d’urgence peu précise mais au plus près de la source de l’aura, tandis que sa main gauche saisissait l’épaule de l’homme Dracaufeu. Les deux hommes se téléportèrent alors dans un flash, laissant sur place les serpents qui les attaquaient.

*FLASH*

En un instant, les deux Gijinkas réapparurent dans les cieux, tombant en chute libre à plusieurs kilomètres du sol. D’ici, l’homme-Dracaufeu put néanmoins avoir une vue dégagée sur le lieu où ils se trouvaient, ce dernier percevant ainsi un village de taille conséquente, plus loin, d’où semblait provenir l’aura. En un instant, il déploya ses grandes ailes de dragon et plongea vers Conwell qu’il attrapa par la main et qu’il soutint avec toute la force de ses bras avant de se poser sur la terre ferme.

-Dès : Ce village… Je pense que notre cible se trouve là.

Au moment où il termina sa phrase, un grand serpent mauve se matérialisa, détruisant plusieurs maisons au passage tandis que des cris d’horreur et de surprise provenaient du lieu. L’homme-Dracaufeu sembla hésitant un instant, avant de demander à son acolyte :

-... C’est moi qui ait décidé de recruter cette personne et de lui faire face. C’est une requête difficile mais… Est-ce que tu pourrais me laisser y aller seul, Conwell ? Si l’île ou l’archipel est menacé de destruction, retourne au QG. Ca te va ?

Conwell pencha la tête, souriant une fois de plus au Destructeur.

-Mais l’île est menacée de destruction, n’est-ce pas, boss ? Que ce soit par cette personne… ou par vous.

Il se redressa soudain, s’adressant à Dès d’un ton calme, mais bien plus sérieux. Il se déplaça, fixant le village au loin.

-Ces gens qui ont fondé leurs vies, leurs existences, dans un lieu aussi glacial… Étaient-ils fous ? Avaient-ils seulement des rêves ? Peu m’importe, en réalité, car… Ils seront détruits. J’obéis à vos ordres, mais je compte sur vous pour apporter à ces êtres la Destruction qu’ils méritent.

L’homme-Dracaufeu eut un sourire carnassier qui résuma clairement ses pensées alors qu’il répondait :

-Evidemment… Après tout, je suis la Destruction et vous me suivez tous. Nous savons tous les deux pourquoi.

L’homme Hypnomade répondit avec le même sourire. Puis, il s’inclina, faisant la révérence envers le Grand Destructeur, avant de se téléporter silencieusement, serein en sachant que Dès irait droit à son oeuvre de destruction quoiqu’il advienne.

L’homme-Dracaufeu se retourna vers le village et s’avança vers celui-ci d’un pas déterminé qui résonnait à travers les cris et les bruits de lames qui s’entrechoquaient. Il arriva à l’entrée du lieu pour constater le carnage qui s’était déroulé depuis que l’aura de sa cible avait explosé.

https://www.youtube.com/watch?v=4oYslv-lWYY

La plupart des maisons étaient déjà détruites, brisées par la force phénoménale du serpent titanesque qui continuait son oeuvre, tandis que des pentacles s’étaient formés ça et là, crachant des serpents et des scalpels à toute vitesse, des corps, sans vie depuis peu de temps, allongés ça et là, parfois écrasés sous les débris, jonchaient les lieux. Vieillards, enfants, adultes, personne n’était épargné par la puissance destructrice qui se déchaînait en ce lieu. Tout en regardant les différentes victimes, Dès, l’air songeur, réfléchissait aux paroles de l’Hypnomade. Ces personnes s’étaient installées ici, y avaient construit des bâtiments, cultivé les sols, ils avaient eu des enfants qui en avaient eu aussi et ceci pendant sans doute des siècles. Ils avaient vécu la tristesse des catastrophes et le soulagement d’être épargnés par la guerre. Tout ça pour que, du jour au lendemain, quelqu’un de plus puissant qu’eux ne décide qu’il était temps pour eux de mourir. Leurs rêves, leurs motivations, leur liberté, tout cela n’avait aucune importance. Car au fond, les hommes faibles étaient insignifiants. Ils ne pouvaient que périr face aux puissants. C’était une réalité qu’il avait assimilé très tôt et que tout le monde finissait par comprendre face à la mort… C’était la réalité des Destructeurs. Alors qu’il s’approchait du centre du village où semblait se trouver la source de cette aura démentielle, l’immense serpent, qui semblait être fait d’énergie pure, cessa son travail de destruction pour fondre vers l’homme-Dracaufeu. Celui-ci, ne semblant pas décontenancé une seule seconde, se contenta de tendre sa main, grande ouverte, vers le serpent, alors qu’un gantelet fait d’ossements se formait autour de celle-ci. Au moment où le serpent fondit sur lui et entra en contact avec les ossements, celui-ci s’évapora complétement, comme aspiré par le vêtement. Tandis qu’il continuait de marcher, l’armure en ossements se formait pièce par pièce autour du Dracaufeu, celui-ci portant la totalité de son armure lorsqu’il aperçut enfin la cause de ce massacre.

C’était une femme-Arbok qui devait approcher de la trentaine. Dès la jaugea du regard, celle-ci n’ayant pas l’air de remarquer sa présence, trop occupée à s’acharner sur le corps d’un Grahyèna en plantant en boucle ses lames dans le corps déjà déchiqueté du Gijinka. Sa blouse, blanche encore à quelques rares endroits, était couverte de sang, tout comme la robe mauve qu’elle portait en dessous. Elle avait de longs cheveux violets, tirant vers le noir, sales et mal entretenus tout comme le reste de son corps. Clairement, elle n’avait pas pu s’installer quelque part pendant assez longtemps pour avoir accès au moindre confort. Son regard, fou et paranoïaque, semblait prouver à la fois qu’elle ne dormait presque plus depuis des jours mais surtout qu’elle se sentait menacée. Elle devait bien fuir quelque chose ou quelqu’un. L’air paniqué, elle se défoulait tant qu’elle pouvait sur les restes de l’homme qu’elle avait tué, tandis qu’elle hurlait, plus pour elle même que pour quiconque :

-AAAAAAH c’est ta faute, c’est ta faute, c’est ta faute, c’est ta faute ! Si tu n’avais pas alerté tout le village et si tu m’avais laissé récupéré quelques cobayes rien de tout ça ne serait arrivé, C’EST DE TA FAUTE SALE IMBÉCILE !

-Tss, pathétique.

En entendant ce mot prononcé par le Dracaufeu, la femme-Arbok releva un visage torturé par la peur et par l’anxiété, son expression changeant rapidement pour laisser apercevoir une pointe de rage.

-Comment ? Qu’est-ce que tu me veux, toi ? Dégage, dégage si tu ne veux pas rejoindre le rang de mes cobayes !

Pour toute réponse, Dès croisa les bras et poussa un profond soupir, avant de répondre :

-Moi qui trouvais cette destruction magnifique… Et voilà que j’apprends que ce chaos n’est régi que par la peur et les remords. C’est pitoyable.

-L-la ferme ! Je viens à peine de te croiser, pour moi tu es aussi insignifiant que tous ces villageois, alors ne fais pas comme si tu comprenais… Rejoins-les plutôt !

Alors qu’elle prononçait ces mots, un immense pentacle se forma au-dessus du village, projetant à toute vitesse des milliers de lames qui se plantaient ça et là autour des deux Gijinka, la plupart fonçant vers Dès mais aucune ne réussissant à percer son armure. En voyant cela, la jeune femme reprit un air inquiet et fou tandis qu’elle commençait à se gratter le visage jusqu’au sang, dans un geste de démence totale.

-Ah, j’ai vraiment pas de chance ! D’abord ce Medhyéna à la con, maintenant toi, à force d’utiliser mes pouvoirs IL va bien finir par savoir où je suis… Et je vais encore devoir changer d’archipel alors que les habitants de Jinto se sont révélés être d’excellents cobayes jusque là… Aaah, c’est injuste, c’est injuste, c’est injuste, c’est injuste, c’est injuuuste !

Dès fronça les sourcils, alors que la femme-Arbok fonça vers lui à toute vitesse, deux épées se matérialisant dans chaque main. Sans ciller, il se contenta de saisir avec une rapidité et une précision incroyable l’un des poignets de la femme-Arbok, celle-ci sentant une vive chaleur commençant à la brûler au moment où il la tenait, la douleur se révélant si forte qu’elle lâcha ses armes tandis que son visage ne reflétait plus qu’une intense douleur. Comme si ce n’était pas suffisant, le Destructeur fit un geste brutal, tordant le poignet de la jeune femme qui laissa échapper un cri de souffrance alors qu’elle ne pouvait plus échapper au regard froid et dur de Dès O’Donnell.

-Quel est ton nom ?

-N… Nelly Snake.

-Pourquoi as-tu détruit cet endroit, Snake ?

-...

-Es-tu frustrée ? Es-tu en colère ? Est-ce que c’est pour cela que tu as décidé de dévaster ce village ? Est-ce que tu avais tant de colère en toi que tu as compris que la seule façon de t’en délivrer était de la projeter sur autrui ? Est-ce que tu pensais que briser ce qui t’entoure te permettrait de te sentir complète ? Que voir la mort t’aiderait à te sentir vivante ?

Alors que ces paroles résonnaient dans l’esprit de Nelly, la prise du Dracaufeu se resserra encore plus sur son poignet, ses ongles s’y plantant pour y laisser échapper quelques gouttes de sang.

-Ou peut-être que tu voulais te sentir libre ? Peut-être que tu as paniqué et que tu ne savais pas quoi faire, alors tu as décidé de tout détruire parce que c’était la seule solution pour reprendre le contrôle sur ce qui ne dépendait plus de toi, le seul moyen pour toi de t’approprier ce qui n’est pas à toi, le seul moyen pour toi d’affirmer ta volonté, de l’imposer même ? Est-ce que c’est pour ça que tu as détruit ce village ?

Il tordit encore plus le poignet de la jeune femme qui, à nouveau cria de douleur, tandis que tous les bâtiments autour d’eux s’embrasaient pour se réduire en cendres mais pas seulement le village, non, Nelly put apercevoir rapidement que les forêts brûlaient aussi, que les montagnes se désagrégeaient en des cendres incandescentes alors que le regard de l’homme qui lui faisait face restait toujours aussi calme et déterminé.

-Et maintenant que je vais tout détruire, comment te sens-tu ? Est-ce que toute ta peur remonte à la surface ? Est-ce que tu te sens misérable parce que tu n’as plus rien, que la seule action qui t’aidait à t’émanciper ne sert plus à rien face à ma force ? Réponds moi.

-Je… Je n’avais pas le choix… Si jamais je ne tuais pas tous ces villageois, ils m’auraient tués à leur tour. Après ce que j’avais fait…

-Mensonge. Je sais que tu ne l’a pas fait pour cela. Je sais que tu ne souhaitais pas simplement te défendre. Ton regard, tes gestes, ton aura… Tu es un être de Destruction. Le fait est que tu n’as pas besoin d’une raison pour détruire… Car cette action se suffit à elle-même. Ta peur, ta volonté de dominer, ton besoin de te défendre, ce ne sont que des excuses. La preuve… Je sens ton corps frissonner à l’idée de détruire encore plus cet endroit.

-... Mon sadisme n’est pas une bonne chose.

La scientifique avait prononcé cette dernière phrase avec une certaine tristesse que Dès ne put s’empêcher de remarquer. Il eut un sourire déterminé avant de répondre :

-Pour d’autres, peut-être. Tu fuis quelqu’un ou quelque chose, n’est-ce pas ? Je t’offre ma protection. Qu’en dis-tu ?

Il lâcha enfin le poignet de la femme-Arbok, la jetant légèrement en arrière tandis que l'aura de l'homme-Dracaufeu éclata complétement, couvrant entièrement celle de la femme-Arbok et faisant se fissurer le sol tandis que toutes les îles de l'archipel se mettaient à exploser, celle où ils se tenaient s'effondrant complétement, seul la petite parcelle sur laquelle les deux Gijinkas se tenaient semblant être préservée. Dès s'avança à nouveau vers Nelly, qui semblait craintive et admirative à la fois, et lui tendis sa main pour symboliser sa proposition :

-Je pourrais t’achever sur le champ. Je pourrais te montrer encore plus à quel point toutes ces raisons que tu utilise pour justifier la destruction de ce village sont vaines. Mais je préfère t’offrir une chance de comprendre par toi même… Ce qu’est la véritable destruction.